ImpressionX est une série de peinture à l'huile sur papier qui représentent des surfaces érodées. Ce processus laisse transparaître des couches successives de matières indéterminées qui semblent lentement s’émietter et se désagréger. Un motif composé d’une succession de lignes parallèles semble surgir depuis le fond du tableau. De couleurs vives et saturées, cette structure émerge dans un univers feutré qui étouffe la lumière. Les couleurs se diffusent comme des pigments d’un bout à l’autre du papier et donnent à la trame l’impression d’un flou photographique. À la fois abstraites et familières, ces surfaces intrigantes se présentent à nous de manière frontale. La perspective est quasi inexistante et les formes sont écrasées sur la surface du papier. Les peintures issues de cette série donnent l’impression de s’étendre et d’exister au-delà du papier, conférant au tableau à la fois la notion de hors champ et de recadrage. Ce qui s’offre à nos yeux interroge nos certitudes, a-t-on affaire à des fragments d’images, le détail d’un tirage photographique ou à un tableau ?
À l’aide d’une large spatule, Curtil applique la peinture
à l’huile dans des mouvements consécutifs de balayement et
le tableau se
construit au fil de la superposition de ces fines
couches de peinture. La répétition de cet unique geste d’aller-retour froid et quasi mécanique nous tient à distance. Les tableaux sont lisses et la touche du pinceau inexistante. La peinture jouit en conséquence d’une apparence simulant celle de l’image reproduite. Mais c’est bien l’artiste lui-même qui tient cette spatule, et son approximation fait naître des accidents qui confèrent à chaque tableau sa singularité. Une narration émerge alors de ces artefacts et accidents qui viennent perturber la rigueur linéaire de la trame.
D'une peinture à l’autre, Robin Curtil joue de l’ambiguïté et des paradoxes qui existent entre l'image, la peinture et sa reproduction. Inévitablement traversé dans sa pratique par les questions contemporaines qu'amène l’omniprésence du numérique ainsi que la manipulation et la diffusion des images au travers des écrans, Curtil entraine sa peinture dans un état d’incertitude, versatile, entre représentation, mise en abîme et pur objet de contemplation. Alors que nous sommes amenés à voir de plus en plus de peinture à travers le prisme des écrans, l’artiste se questionne : comment la reproduction de la peinture transforme-t-elle sa production et sa perception ?