HYPER-
(Creation 57, Lyon)


« Les effets de temps : perception et représentation de la vitesse » est un projet de recherche junior pluridisciplinaire porté par de jeunes chercheurs de l’université Jean Moulin Lyon 3. Ce projet aborde la question de la perception et de la représentation de la vitesse temporelle. Faisant partie de ce projet, l'exposition HYPER- réunis des jeunes artistes diplômés des écoles des Beaux-Arts de la région Auvergne-Rhône-Alpes, travaillent en étroite collaboration intellectuelle avec les doctorants et jeunes chercheurs à l’origine du projet. Au croisement de la recherche académique et de la recherche artistique, cette exposition thématique se propose de saisir un temps toujours plus insaisissable. Elle aspire à mobiliser des prismes et des regards divers autour de questionnements communs. Comment appréhender une temporalité toujours plus glissante ? L’art peut-il influer sur sa perception ? Existe-t-il des contrepoids à l’ivresse de la vitesse ?

De cette exposition résulte un catalogue qui, au travers d'interviews, déroule le fil de pensée des artistes à propos de leurs rapport au temps. Extrait de l'interview mené par Dr. Bérangère Amblard avec Robin Curtil :

B.A : Tu parles de la capacité des écrans à happer le regard, à capter l’attention du spectateur. Cherches-tu à obtenir un effet comparable avec tes peintures ?

R.C : Idéalement oui. Il y a toujours un plaisir à rester devant quelque chose qui capte le regard. Dans la peinture, j’essaie d’utiliser cette propension à se projeter ; j’utilise le leurre de la couleur et des formes qui font image, pour aller vers quelque chose qui peut éveiller des sentiments plus subtils et plus nuancés.

B.A : Que représente pour toi le temps de création ?

R.C : C’est un temps passionnant et en même temps très dur. Ce sont des temps d’atelier et des temps hors atelier. C’est tout le temps et jamais à la fois. C’est à la fois la pratique, le moment frontal où je prends mes pinceaux et suis devant le tableau, mais c’est aussi une réflexion qui perdure, à peine perceptible, comme une sourdine, une infrabasse, qui fait son chemin petit à petit. C’est une temporalité très particulière. Ce n’est pas lourd à porter. C’est très léger mais c’est continu. C’est quelque chose qui mûrit doucement.

B.A : J’envisage ta peinture comme un réceptacle, un réservoir de temps. Peux-tu me dire ce que tu en penses ?

R.C : C’est exactement ça. C’est un réservoir de temps et à mon sens, c’est ce qui fait le lien avec l’hypermodernité. Dans mes peintures, il y a toujours cette question de la circulation : par où entre-t-on ? Comment lire le tableau. Il y a des couches et des sous-couches qui incitent visuellement à envisager une profondeur, plus ou moins marquée en fonction des endroits. Il y a des profondeurs accentuées par des perspectives, par des lignes de fuite. Dans mes derniers tableaux, on pourrait avoir l’impression de quelque chose de plus plat. En réalité, il y a plus de subtilité, des espaces infra-minces, des paradoxes qui nous invitent à nous rappeler que ce que l’on voit n'est que la toile d'un tableau.

Dans ma peinture, il est toujours question de circulation. Dans un premier temps, le spectateur voit le tableau dans sa globalité, de manière très superficielle. Comme quand tu « like » une image sur une application, on est dans une valeur hédonique, un « j’aime/j’aime pas ». C’est instinctif, c’est un premier temps très court. Ensuite, il y a une deuxième temporalité où l’on force un peu le regard et on rentre dans le tableau. C’est une fenêtre ouverte. Si on rentre dans cet autre temporalité, c’est que j’ai réussi à étirer l’espace et donc créer du temps. Il y a enfin une troisième temporalité, qui est celle qui se déploie une fois que le spectateur est sorti de l’exposition, quand l'image du tableau demeure dans la tête. Même une fois le support disparu, le tableau peut persister. Il y a une globalité qui peut nous retenir, on est alors dans une temporalité encore plus dilatée puisqu’elle nous accompagne au quotidien. Ce qui nous retient, ce n’est pas le tableau, c’est l'expérience, la trace qu’il laisse en nous. La chose la plus importante, c’est le souvenir du tableau.





©robin curtil, 2024 © adagp, 2024